Ti Fanm An Mas-la (Young girl playing Mas)

Photo by Bestbe Models from Pexels

Photo by Bestbe Models from Pexels

1994

 

Colors. Sounds. A sea of red, orange, green and blue. A symphony of drums, chacha and conch shells. Women and men walking, sweating, shouting, grinning, singing. Energy drawn from the sun of Dimanche Gras and burning up well into the night.

 

I'm 8. 

 

1996

 

I hate tights. When we moved back to Guadeloupe after a few years in Paris, I thought I'd never have to wear them ever again. Carnival is worth the discomfort, though. My pair of tights compliments my shining silver leotard. My mask is a bit itchy. The small white feather collar tickles my neck. My mom lightly pushes my hand away from my face.

 

"You'll mess up your makeup and we haven't started marching yet," she says, bending over to kiss my cheek. "Make sure to stay hydrated. If you're tired, let Marina know and you'll be taken care of."

 

And lose my spot as the kid leader of my first big Carnival March ever? I don't think so. The conch shell sings. It's time. My mom readjusts my headwrap. She puts on her big feather wings and moves to the dancers section. She'll be front line. Right behind the banner so I can still see her whenever I want to. 

 

As we start walking, I rehearse the choreography in my head. The musicians are warming up. Now that we're moving with about 100 dancers between us, I'm afraid I won't hear them when we're in the crowded streets of Pointe-à-Pitre. What if I miss my cue when we're in front of the judges? 

 

Mom gives me a reassuring smile and I wave at her. I can do it.

 

I'm 10.

 

1999 

 

The boys crack their whips on the concrete as they open the road with the incense burner carriers chasing away the evil spirits. I don't recall ever seeing a girl cracking a whip. I don't recall ever hearing that a girl couldn't do it. It's just not for me.

 

Tonight isn't about a choreography or looking pretty. Tonight is about celebrating our people, our history. No mask, no glitter. It's about me. That's what Mom told me when she signed me up to march with one of the biggest groups a po this year. 

 

How is it about me when I walk with a crowd of 2,000 people? Sitting on the sidewalk during the first 10-minute break, I fail to ignore how my sports bra so doesn't fit and how my Capri pants stick to my thighs. I should have kept my glasses on... I should just have another body. A nice curvy body like the other teenage girls chilling a few feet away from me. They move effortlessly in their pum pum shorts and tank tops as they reapply green and red paint on their arms and legs. I sweated off some paint too, but by the time I work up enough courage to ask them to lend me their spray bottle, break time is over and we're back on the road.

 

I walk the walk, I chant the chants. How is it about me when I don't even belong here? A girl trips over my foot. She apologizes with a smile. Her golden box braids remind me that she's from the little crew I saw earlier. Her perfect high-pitched “a-ya-yay” calls for other women to respond. I don't know why they scream. The girl blinks a few times, leans toward me with her hand next to her ear as if she can't hear me. I keep my mouth shut. She a-ya-yays once again and nods toward me, so I try. My voice breaks, but no one laughs at me. A woman in her 40's walks by me and holds my hand as I try again. It isn't as high pitched as theirs but it's enough to get other women in the crowd to respond. And then, I feel it. My heart beating along with the drums, the group energy shooting through my veins. It's in every nerve of my body. I a-ya-yay the overwhelming emotion away whenever I need to. And I always get a response. 

 

How is it about me? They're me. I'm them. We're one.

 

I'm 14.

 

2002 

 

Soca takes over my body. Dressed in black and white, teenagers and young adults from all around the island are there to celebrate the death of King Vaval. Doing the helicopter with a small towel, singing and dancing behind the music truck, my cousin and I enjoy these last free-spirited moments. 

 

A hand brushes mine. I glance back. It's a guy I noticed at the departure stand. He's slightly taller than me and seems to be around my age. He tilts his head, his eyebrows raised in question. The dimple in his right cheek when he smiles convinces me to let him move closer behind me. When I jump, he jumps. When I whine, his hips meet mine without missing a beat. Slow or fast, he takes it all and gives it to me right back, his hands firmly gripping my waist right where my long overalls and crop top leave my skin exposed. Sometimes, he walks by my side but doesn't let any girl dance on him. He's mine. Whenever another boy steps behind me, I move to stand in front of him and put his arm around my waist. I'm his. 

 

The music truck reaches the park, our final stop. My cousin flirts with his friend, but we don't. We just stand unable to make eye contact.

 

“I...,” I stammer. “That was cool.”

 

“It was.” He seems to hesitate but his boys call him to leave. “See you next year, maybe?”

 

I know that there's only a slim chance for us to meet again. Yet, the idea still gives me butterflies. “Yeah, that would be nice.”

 

He places a soft kiss on my cheek, flashes me a smile and walks away with his crew.

 

I'm 16.

(Une fille dans le mas')

 

1994

 

Des couleurs. Des sons. Une mer de rouge, d'orange, de vert et de bleu. Une symphonie de tambours, de chachas et de conques de lambis. Des femmes et des hommes qui marchent, transpirent, crient, sourient, chantent. Une énergie tirée du soleil du Dimanche Gras et qui se consume juste tard dans la nuit.

 

J'ai 8 ans.

 

1996

 

Je hais les collants. Quand nous avons déménagé en Guadeloupe après quelques années passées à Paris, je pensais que je n'en porterais plus jamais. Le Carnaval en vaut bien la peine. Ma paire de collants s'accorde à mon justaucorps en argent. Mon masque me gratte un peu. Mon carcan de petite plumes blanches me chatouille le cou. Ma mère pousse légèrement ma main.

 

“Tu vas gâcher ton maquillage et on n'a même pas encore commencé à défiler,” dit-elle en se penchant pour me faire un bisou sur la joue. “Fais attention à bien rester hydratée. Si tu es fatiguée, dis-le à Marina et on te prendra en charge.”

 

Et perdre ma place de la leader du groupe enfant pendant le premier défilé carnavalesque de toute ma vie ? Pas question. La conque de lambi chante. Ma maman réajuste mon marétèt. Elle remet son carcan ailé et passe dans la section des danseuses. Elle sera en première ligne. Juste derrière la banderole pour que je puisse la voir dès que je le souhaite.

 

Alors que nous commençons à marcher, je répète la chorégraphie dans ma tête. Les musiciens font leur échauffement. Il y a une centaine de danseurs entre nous désormais, j'ai peur de ne pas les entendre quand nous serons dans les rues bondées de Pointe-à-Pitre. Et si je manque le signal quand nous sommes face au jury ?

 

Maman me rassure avec un sourire et je lui fais un signe de la main. Je vais y arriver.

 

J'ai 10 ans.

 

1999 

 

Les garçons claquent leur fouet sur le bitume en ouvrant la voie avec les porteurs d'encens qui chassent les esprits maléfiques. Je ne me rappelle pas avoir déjà vu une fille manier le fouet. Je ne me rappelle pas avoir entendu qu'une fille ne pouvait pas le faire. Ce n'est tout simplement pas mon truc.

 

Ce soir, il n'est pas question de chorégraphie ou d'être belle. Ce soir, il s'agit de célébrer notre peuple, notre histoire. Pas de masque, pas de paillettes. Ce soir, il s'agit de moi. C'est ce que Maman m'a dit quand elle m'a inscrite pour défiler avec l'un des plus grands groupes à po cette année.

 

Comment cela peut-il me concerner quand je marche dans une foule de 2 000 personnes ? Assise sur le trottoir pendant la pause de 10 minutes, je n'arrive pas à ignorer comment mon soutien-gorge de sport n'est pas à ma taille et comment mon corsaire me colle aux cuisses. J'aurais dû garder mes lunettes... J'aurais dû avoir un autre corps. Un corps avec de jolies formes, comme les autres adolescentes qui discutent tranquillement à quelques mètres de moi. Elles bougent sans effort dans leur pum pum short et leur débardeur moulant alors qu'elles réappliquent de la peinture verte et rouge sur leurs bras et leurs jambes. J'ai transpiré aussi et ma peinture s'est effacée, mais pile au moment où j'ai enfin le courage d'aller leur demander de me prêter leur bombe de peinture, la pause est finie. Nous voilà de retour sur la route.

 

Je marche comme il faut, je chante comme il faut. Comment cela peut-il me concerner quand je n'ai pas ma place ici ? Une fille me marche sur le pied. Elle s'excuse avec un sourire. Grâce à ses tresses dorées, je me rappelle qu'elle est du groupe de filles de tout à l'heure. Son “a-ya-yay” est aigu à la  perfection et d'autres femmes lui répondent. Je ne sais pas pourquoi elles crient. La fille cligne des yeux, se penche vers moi, la main contre l'oreille comme si elle ne m'entend pas. Je garde la bouche fermée. Elle a-ya-yaye encore une fois et me fait un signe de tête, alors je tente. Ma voix se brise, mais personne ne se moque de moi. Une quadragénaire marche à mes côtés et me tient la main pendant que je tente à nouveau. Il n'est pas aussi aigu que le leur, mais c'est assez pour que d'autres femmes me répondent. Et là, je le sens. Mon coeur battant au rythme des tambours, l'énergie du groupe qui explose dans mes veines. C'est dans chaque fibre de mon corps. J'évacue l'émotion avec un a-ya-yaye dès que j'en ai besoin. Et on me répond toujours.

 

En quoi suis-je concernée ? Elleux sont moi. Je suis elleeux. Nous sommes un.

 

J'ai 14 ans.

 

 

2002 

 

La soca contrôle mon corps. Vêtus de blanc et de noir, des adolescents et des jeunes adultes sont venus de toute l'île pour célébrer la mort du Roi Vaval. Faisant l'hélicoptère avec une petite serviette à la main, chantant et dansant derrière le char, ma cousine et moi profitons de ces derniers moments de liberté.

 

Une main frôle la mienne. Je jette un coup d'oeil par dessus mon épaule. C'est un garçon que j'ai remarqué au stand du départ. Il est légèrement plus grand que moi et semble avoir mon âge. Il penche la tête, les sourcils levés comme pour demander l'autorisation. La fossette qui lui creuse la joue droite quand il sourit me convainc de le laisser se placer derrière moi. Quand je saute, il saute. Quand je whine, son bassin reste en rythme avec le mien. Lent ou rapide, il prend et me rend, ses mains accrochées fermement à mes hanches là où ma longue salopette et mon crop top laissent ma peau exposée. Parfois, il marche à mes côtés mais ne laisse aucune fille danser sur lui. Il est à moi. A chaque fois qu'un autre garçon se met derrière moi, je me déplace pour me remettre devant lui et place ses bras autour de ma taille. Je suis à lui.

 

Le char arrive au parc. Dernier arrêt. Ma cousine flirte avec son ami, mais pas nous. Nous restons debout, incapable de nous regarder dans les yeux.

 

“Je...,” je bégaie. “C'était cool.”

 

“Effectivement.” Il a l'air d'hésiter, mais ses amis l'appellent pour partir. “On se verra l'année prochaine, peut-être ?”

 

Je sais qu'il n'y a qu'une chance infime qu'on se revoit l'année prochaine. Pourtant, l'idée me donne des papillons. “Oui, ça serait bien.”

 

Il pose un doux bisou sur ma joue, me sourit une dernière fois et s'en va avec ses amis.

 

J'ai 16 ans.

Maëlla Kancel

(she/her(s)French Caribbean woman. Born and raised in Guadeloupe. Living in Paris. Curating representations of Caribbean identity in cinema, television, literature and music (karukerament.com)

Previous
Previous

The hostility between Afro and Indo Caribbean Women may be about Featurism not Colourism

Next
Next

Hookin’ Me